Marché des Réformés - Marseille - 10 septembre 2022

"L'air de mon marché" avec
Cyril, boulanger bio

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L'étal du boulanger Le pain de Nicolas au Marché des Réformés le 10 septembre 2022 ©Magali Guyon
Cyril, boulanger bio au Marché des Réformés à Marseille - 10 septembre 2022 ©Magali Guyon

Pour cette AirDiams story, nous sommes partis à la rencontre de producteurs bio du Marché des Réformés dans le centre-ville de Marseille pour découvrir leur métier, leur engagement écologique et leur perception de la qualité de l'air.

entretien - 10 septembre 2022

Boulanger bio, l’aboutissement professionnel d’une quête de sens

Le pain de Nicolas, boulangerie bio de Fuveau, vend ses produits artisanaux depuis onze ans sur les marchés de la région Sud. A la fin de l’été, nous avons rencontré Cyril qui, chaque samedi matin, installe son étal de pains, de focaccias, de petits gâteaux secs et autres gourmandises au Marché des Réformés à Marseille. Cyril nous a raconté son parcours, son métier, ses engagements écologiques, et comme pour chaque AirDiams story, sa perception de la qualité de l’air.

Par Magali Guyon

« Le métier de boulanger, je l'ai appris sur le tas. J'ai eu la chance de rencontrer Nicolas après huit ans d'errances dans les études. »
Fougasse et Focaccia bio fabriquées par Le pain de Nicolas et vendus au Marché des Réformés (Marseille)- 10 septembre 2022 ©Magali Guyon
Fougasse et Focaccia bio fabriquées par Le pain de Nicolas et vendus au Marché des Réformés (Marseille)- 10 septembre 2022 ©Magali Guyon

De l'école d'ingénieur au CAP boulanger

Le métier de boulanger, Cyril l’a « appris sur le tas. J'ai eu la chance de rencontrer Nicolas après huit ans d'errances dans les études. » En 2002, après un bac scientifique, il intègre une école d’ingénieur « pour faire plaisir à papa ». Intéressé avant tout par l’informatique, domaine à peine abordé au programme, et trop éloigné de son entourage familial et amical, il abandonne dès la fin de la première année. « Je me sentais seul dans la ville de Lens et je n'aime pas le foot en plus ! C’était un peu la déprime » résume-t-il. Il s’inscrit à l’IUT d’informatique à Amiens à proximité de sa ville d’origine. Ses résultats sont excellents mais rapidement il s’aperçoit que les débouchés de ces études ne lui conviennent pas et se demande : « Ça va être ça ma vie, je vais résoudre des problèmes d'ordinateur derrière une chaise ? Non, non ça ne me correspond pas. »

« On allait faire nos provisions dans les poubelles des supermarchés, on arrivait à vivoter comme ça, ma compagne travaillait un peu à côté. »

Pendant ses années d’IUT informatique naît sa conscience écologique à travers la lecture de la presse spécialisée. « Je lisais La revue scientifique. Ça rassemblait des articles de différents journaux ou des résumés d'articles scientifiques. Dans les années 2003-2004, je me nourrissais de ça. » Cyril se demande alors « ce qu'il faut faire comme étude pour agir et être dans le milieu ». Il s’inscrit à la fac en biologie puis l’année suivante à la fac de géographie. Ses choix d’études, pas assez mûris, le conduisent à nouveau dans l’impasse. Il se décide à chercher sérieusement une formation en cohérence avec ses valeurs et ses centres d’intérêts. Il découvre les BTS en gestion des espaces naturels et s’inscrit à celui de Gardanne. Bien que major de sa promotion et sentant qu’il « commence à trouver sa voie », il supporte mal les contraintes du lycée en décalage avec l’autonomie d’un jeune homme de près de vingt-quatre ans auquel s’ajoute le poids de l’éloignement de sa famille et de la charge économique qui l’oblige à faire des petits boulots en parallèle de ses études. C’est à nouveau un échec.

L'étal du boulanger Le pain de Nicolas au Marché des Réformés le 10 septembre 2022 ©Magali Guyon
Le pain de Nicolas au Marché des Réformés (Marseille)- 10 septembre 2022 ©Magali Guyon

« Commencent alors les années de débrouille en mode système D » témoigne Cyril. Avec sa compagne, ils survivent des fins de marché. Ils récupèrent les fruits et légumes abîmés, se lient d’amitié avec des producteurs qui leur vendent des produits à bas prix. « On allait faire nos provisions dans les poubelles des supermarchés, on arrivait à vivoter comme ça, ma compagne travaillait un petit peu à côté. » Aux difficultés économiques et de quête d’orientation, s’ajoute la culpabilité envers ses parents qui le soutiennent matériellement depuis le début : « J’'ai menti à mes parents en leur disant que je faisais une deuxième année de fac de géo. A côté de ça, j'avais de mauvaises habitudes, de mauvaises fréquentations aussi. Je ne savais pas où j'allais, les copains qui traçaient, ils étaient en 5e année de médecine, de droit, et moi qui n’avançais pas, je le vivais mal aussi, et en plus mentir à mes parents ! »

En septembre 2009, une amie le met en contact avec Nicolas, boulanger au marché d’Aix-en-Provence. C’est une rencontre décisive, les deux hommes s’entendent immédiatement et la confiance s’instaure très vite. Dès le premier marché, Nicolas propose d’embaucher Cyril comme vendeur à l’année au marché du samedi d’Aix-en-Provence. Cyril, curieux et entreprenant, propose à Nicolas d’apprendre à faire le pain. Chose dite, chose faite ! Au bout de deux ans, Nicolas propose de développer l’activité à Marseille. Autonome, Cyril développe rapidement les ventes au Marché des Réformés aidé par la très faible offre de pain bio au centre-ville contre une demande grandissante. Comme le dit fièrement Cyril, « on a cartonné, les chiffres de Marseille ont vite dépassé ceux d’Aix ! » Entre temps, incité par son patron, Cyril obtient son CAP de boulanger. « Et ainsi à bac +9, j'ai eu mon premier diplôme ! » s’exclame Cyril avec une pointe d’humour.

Les pains de variétés anciennes de blé fabriquées par Le pain de Nicolas et vendus au Marché des Réformés (Marseille)- 10 septembre 2022 ©Magali Guyon
Les pains de variétés anciennes de blé fabriquées par Le pain de Nicolas et vendus au Marché des Réformés (Marseille)- 10 septembre 2022 ©Magali Guyon
« Tout était déjà écrit il y a vingt ans ! et puis les pionniers, c'était il y a quarante ans, même un peu plus. Les gouvernements, les dirigeants, les décisionnaires n'écoutent personne dictés par la loi du marché, de l'économie. »

Fabriquer et vendre du pain bio, Cyril n’y avait jamais songé mais cette reconversion radicale correspondait à ses convictions écologiques et à son besoin d’agir à petite échelle pour « moins défoncer la planète ». Par ailleurs, il apprécie l’équilibre entre la production du pain qui l’engage physiquement et la vente pour « son caractère sociale à la rencontre des gens ».

Il est cependant critique face à l’évolution des motivations de ses clients. « Il y a dix ans, il y avait encore ces gens qui ont un peu disparu à mes yeux ; des anciens soixante-huitards ou des jeunes un peu rasta plein de contradictions peut-être, mais sincères dans leur relation à la nature ou ce qu’ils pensent en faire. Il y avait peut-être la moitié de ma clientèle qui consommait bio pour ne pas faire mal à la terre. Et aujourd'hui je trouve que c'est un peu comme pour le reste, on est dans une société très individualiste, le bio c’est avant tout pour soi, pour se faire du bien, pour moins s'empoisonner. Je trouve que c'est un peu dommage, on est dans une société égoïste et égocentrique. »

Cyril est également en colère contre l’inertie politique de deux dernières décennies. Si lui, du haut de ses vingt ans, a pu prendre conscience de l’urgence environnementale, comme justifier l’absence de réactions des dirigeants ? « Je suis un peu révolté de savoir que des ministres et des présidents qui ont des supers conseillers autour d'eux n’aient pas pris des premières mesures et qu’aujourd'hui on fait : 'Ah oui, il faut faire ci, il faut faire ça.' Mais tout était déjà écrit il y a vingt ans ! et puis les pionniers, c'était il y a quarante ans, même un peu plus. Les gouvernements, les dirigeants, les décisionnaires n'écoutent personne, dictés par la loi du marché, de l'économie. »

Maraîcher bio du marché des Réformés (Marseille)- 10 septembre 2022 ©Magali Guyon
Maraîcher bio du marché des Réformés (Marseille)- 10 septembre 2022 ©Magali Guyon
Maraîcher bio du marché des Réformés (Marseille)- 10 septembre 2022 ©Magali Guyon
Le marché au fleurs à côté du marché alimentaire des Réformes à Marseille - 10 septembre 2022 © Magali Guyon

La pollution de l'air, un problème inséparable des autres pollutions

« Oui j'y pense à la pollution, par exemple avec la lessive, on dort huit heures sur un oreiller à renifler les bonnes odeurs de synthèse et compagnie… C'est global et je pense que c'est partout. »

A la fin de l’entretien, nous montrons à Cyril le fonctionnement du capteurs Diams qui mesure le taux de particules fines de l’air. Cyril associe spontanément ces dernières aux émissions des véhicules puis à celle des bateaux de croisière, nuisance dont on parle beaucoup ces dernières années à Marseille. D'origine de la campagne picarde, Cyril se représente la ville comme un espace fortement pollué. Parce qu’il a une approche systémique de la pollution, il n’isole pas celle de l’air. Il évoque sa lecture à 21 ans du professeur Belpomme, « un cancérologue parisien qui disait que 90% des cancers étaient dus à notre environnement, or l'environnement c'est ce qu'on respire, c'est ce qu'on boit. Donc oui j'y pense à la pollution, par exemple avec la lessive, on dort huit heures sur un oreiller à renifler les bonnes odeurs de synthèse et compagnie… C'est global et je pense que c'est partout. » Difficile d’échapper aux pollutions. Son ancien logement à Fuveau était niché au cœur d’une pinède avec une vue sur la Sainte-Victoire mais « sous le vent du carrefour de la Barque, un des plus gros carrefours des Bouches-du-Rhône. Aux heures de pointe, il sentait les échappements. Dans ce que je pensais être le poumon vert de Fuveau, l'air n'était pas si bon que ça. Je n'ouvrais pas les fenêtres aux heures de pointe à 8 heure le matin et à 6 heure le soir. »

Pour Cyril, l’air c'est …

« Dans mon esprit scientifique, il y a la composition naturelle plus ces additifs polluants qu'on y apporte par notre activité humaine. »

Mesures de la qualité de l'air le 10 septembre 2022

Mesures des taux de particules fines

Les mesures de particules fines PM10, PM2.5 et PM1 ont été réalisées avec le capteur Picture de DIAMS qui intègre un capteur Next PM. Les données et les cartes sont issues de l'application Airmap360 d'Atmosud.

La qualité de l’air était plutôt bonne le jour ou nous avons interviewé Cyril. A l’aide des capteurs de particules fines (PM) du projet DIAMS, les PMScan, nous avons mesuré des taux de PM10 en moyenne en dessous de 20 μg/m3. Comme vous pouvez le voir sur le graphique ci-dessous, nous avons mesuré deux pics de pollution aux PM10 à plus de 50 μg/m3. dans cette configuration la qualité de l’air est considérée comme « mauvaise ». Toutefois il s’agit de mesures très ponctuelles: seul deux mesures au-dessus du seuil en 1 heure d’observation (à noter que le capteur PMSCan mesure les concentration en PM toutes les 2 secondes). Lorsque l’on compare avec les mesures de la station AtmoSud (station de référence) située au Parc Longchamp, on remarque que les taux de PM10 mesurés sont en deçà des valeurs les plus fréquentes sur la saison.

Evolution dans le temps du taux moyen de particules fines PM10 - 10 septembre 2022

Graphique de l'évolution dans le temps du taux moyen de particules fines PM10 mesuré le 10 septembre 2022 au Marchés des Réformés à Marseille.

En abscisse : le temps (heure:minute:seconde), en ordonnée : les taux de particules fines en μg/m3

Carte du taux moyen de particules fines PM10

Carte du taux moyen de particules fines PM10 mesuré le 10 septembre 2022 au Marchés des Réformés à Marseille.

Légende

Légende des cartes de mesures de particules fines (Atmosud)

Mesures des taux de dioxyde d’azote

La station d’AtmoSud nous donne également des informations sur d’autres polluants tels que le dioxyde d’azote (NO2) et l’ozone (O3). Le 10 septembre, les taux de NO2 dans l'air correspondaient aux valeurs les plus fréquentes pour la saison (soit entre 10 et 50 μg/m3). Ce gaz, émis principalement par les voitures et les camions, ne dépassait donc pas les seuils limites fixés par l’OMS à 200 μg/m3.

Taux de NO2 (dioxyde d'azote) mesuré par la station d'Atmosud située au Parc Longchamp -13001 Marseille

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Comment Le pain de Nicolas produit-il le pain bio ?

Le pain : de l'eau, du sel et de la farine

Le pain est composé de trois ingrédients : l'eau, le sel et la farine. L’eau est testée tous les un ou deux ans comme l’exige la certification bio. Pour le sel, nous avons fait choix local du sel non raffiné de Camargue. Quant à la farine, on l’achète en circuit court au meunier de Saint Joseph de Grans. Le petit épeautre, ancêtre du blé meunier, provient des cultures au pied des Alpes. Nous utilisons également des variétés anciennes de blé dur comme le Khorasan en évitant son équivalent, le Canut qui est une marque déposée américaine.

Une fabrication traditionnelle

Nicolas et Cyril travaillent de manière traditionnelle. Les pâtes ne sont pas réfrigérées, ce qui évite d'avoir la consommation d’énergie électricité nucléaire. Grâce au développement de l’activité, Nicolas a pu acheter un four qui fonctionne aux granulés de bois, qui contrairement au four à bois ne nécessite pas beaucoup de temps pour entretenir le feu. Les granulés de bois sont aussi produits localement à Marseille à partir de bois de récupération de palettes.

Gestion des invendus

Les productions sont toujours ajustées d'une semaine à l'autre en fonction de la météo et des événements comme les vacances. Grâce à l’expérience, il ne reste jamais plus de dix kilos de pain par marché qui seront écoulés facilement au marché le lendemain grâce à un prix bas. Pendant la pandémie, des voisins ont organisé des commandes groupées. La pratique perdure. Enfin, en cas de d’invendus importants, Nicolas les donne au Secours catholique de Gardanne.

AirDiams Stories

AirDiams Stories - présentation

AirDiams Story avec Nostàmar

AirDiams Story avec 1 déchet par jour

AirDiams Story avec des éco-acteurs

L'air de mon marché avec Audrey, maraîchère bio

L'air de mon marché avec Cyril, boulanger bio

L'air de mon lycée avec les élèves du Lycée Saint-Charles à Marseille

AirDiams Story : crédits